D’ici à 2050, aurons-nous l’électricité et les transports pour atteindre la neutralité carbone ?

Au titre de la Commission Ecologie Urbaine que j’ai présidée, j’ai fait ce 12 Septembre 2023 pour l’UCIL une conférence sous le titre : La disponibilité souveraine d’électricité, selon le rapport prévisionnel 2021 de RTE et le rapport 2023 de la commission de l’Assemblée Nationale (A.N.) sur la perte de souveraineté énergétique de la France. (Cliquer pour ouvrir le texte du contenu de la conférence).

Voici la volteface que devrait faire la Métropole pour participer à la Stratégie Nationale de neutralité Carbone.

Les objectifs (écologiques) poursuivis sont :
– la neutralité carbone à atteindre en 2050 (selon RTE et l »A.N.)
– la souveraineté énergétique nationale, indispensable pour réduire notre empreinte carbone (selon l’A.N.) ;
– la réindustrialisation (impact étudié par le rapport RTE).
Nous regrettons que le coût du kWh n’aie pas été aussi un guide fourni par RTE, pour sélectionner les scénarios efficaces. Sans doute parce qu’il aurait été défavorable aux renouvelables.

Les scénarios partisans de RTE

Le dernier rapport 2021 de RTE représente une volteface par rapport aux précédents qui visait une réduction de 20% de la consommation électrique française. Cette réduction était indispensable, selon les scénarios de 2017, pour atteindre l’objectif présidentiel de 2012, de réduction de la production nucléaire à 50%. La nouvelle stratégie de référence repose sur une augmentation de 30% de la production électrique en France, pour remplacer les énergies tirées des combustibles pétroliers et décarbonée et pour réduire ainsi l’empreinte carbone française.
Les 6 scénarios de production RTE diffèrent essentiellement par le taux de la puissance nucléaire installée. Ce taux va de 0%, en accélérant le démantèlement, à 50% en construisant de nouvelles centrales au rythme proposé par EDF en 2020. Pour le reste, les scénarios prévoient une puissance installée de renouvelables (d’origine 10% hydraulique et pour le reste, près de la moitié photovoltaïque, un quart éolienne terrestre, un quart éolienne marine) et aussi de la puissance tirée de combustibles, avec captage, stockage et enfouissement du CO2 (vaste projet dispendieux au succès incertain).

Rappelons les raisons pour lesquelles moins ces scénarios utilisent de renouvelables, plus ils sont réalistes. Le caractère aléatoire du vent, la présence périodique et difficilement prévisible du soleil, ainsi que le statut fatal de ces énergies qu’on doit utiliser quand elles se présentent (qu’on sache les utiliser ou non), induit des coûts gigantesques de centrales thermiques en attente et de stockage d’énergie en batteries ou sous forme d’hydrogène, supportés actuellement par une taxe (TICFE) de 30% sur les tarifs d’électricité, mais qu’il faudrait alors accroître. Le rapport RTE calcule que, plus le taux de renouvelables croit, plus le coût de l’électricité sera élevé (et donc dissuasif). Pour simuler un taux de nucléaire supérieur, il aurait fallu qu’EDF (maison mère de RTE) s’engage à construire ou à commander davantage de réacteurs.

L’enquête de l’Assemblée Nationale sur la perte de souveraineté

Dans son enquête, la commission de l’Assemblée Nationale (A.N.) regrette que les dirigeants de la France ait :
– renoncé, depuis 1995, à construire de nouveaux réacteurs, indispensables à la stratégie bas carbone visée aujourd’hui (hormis l’EPR de Flamanville, commandé en 2008).
– laissé ainsi fondre notre compétence en nucléaire mondialement reconnue ;
– fermé inopinément SUPERPHENIX, (en 1998) tête de file enfin opérationnelle,d’une filière de réacteurs surgénérateurs (à neutrons rapides) recyclant les combustibles ;
– renoncé à prototyper ASTRID, son successeur, mieux sécurisé ;
– renoncé à accroître, ainsi, notre indépendance énergétique, par recyclage des combustibles radioactifs (car le taux d’uranium radioactif n’est que de 0,7%) ;
– abandonné, ainsi la solution de destruction des déchets radioactifs à longue vie, pour éviter de les enfouir,
Face à cette perte de compétence, l’A.N. préconise un grand plan de réforme d’EDF, notamment pour qu’elle reprenne au plus tôt, avec succès, la construction de réacteurs à un rythme accru (quoi qu’inférieur à celui des années 80), nécessaire pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Quelques « Small Reactors » (Neward, Néocléo… ) en plus, pour la césure, avant 2035, pourraient être bienvenus.

Volteface nécessaire de la Métropole

Les Métropoles doivent nécessairement être acteurs de cette réduction de CO2.

Personne ne communique sur le fait que la politique de mobilité de la Métropole depuis la fin du mandat de Michel Noir a quadruplé ses émissions de CO2 et empêché de bénéficier de la réduction de la pollution due aux moteurs thermiques.

Faible baisse de la pollution

Commençons par la pollution, ce qui va nous éclairer sur le CO2.

La pollution lyonnaise, produit un millier de décès prématurés par an en Métropole, et est source d’une condamnation et d’une amende infligée à la France par l’Union Européenne qui va finir par se monter à 80 millions par an. La pollution est due, en hiver aux microparticules (PM), émisses surtout par le chauffage au bois (en baisse) et surtout, toute l’année par les oxydes d’azote (NOx) émis par la combustion, notamment des moteurs des véhicules thermiques.

Chacun a pu constater la politique de contraintes pour les automobiles et d’accroissement des transports en commun, mise en œuvre par la Métropole pour réduire le trafic. Elle a eu pour effet de réduire de 10% par décennie le trafic, sur la superficie de la ZFE 2023. Or (selon le graphique ci-après de l’UFIP), sur les 20 années écoulées, la pollution du parc automobile français a baissé d’un rapport de 3,5 (et au moins autant à Lyon), il faudrait donc s’attendre à ce que la pollution ait aussi baissé dans un rapport de l’ordre de 4 (moins de trafic, moins de pollution des véhicules). Or la diminution des NOx par décennie est de l’ordre de 15% seulement (hors période de COVID) sur le périmètre de la ZFE (figure ci-après).

 

 

Evolution de la pollution mesurée à Lyon-Villeurbanne

La cause en est évidemment que les conditions de circulation ne sont plus celles d’avant, ce que chacun constate. En effet, la pollution est moindre sur des axes synchronisés à 50km/h. La pollution et les émissions de CO2 des véhicules thermiques croissent avec la lenteur des véhicules (diagramme ci-après selon le SETRA) et encore davantage en cas de ralentissements et accélérations (selon la thèse de Höglund).

Des émissions de CO2 en ZFE multipliées par près de 4

Concernant les émissions de CO2, les lois d’accroissement sont les mêmes que pour la pollution. En revanche, en 20 ans, la consommation des véhicules thermiques et leurs émissions de CO2 sont restées semblables et le taux de véhicules électrique reste marginal. Par conséquent, mathématiquement, on doit en tirer la déduction suivante :

En ZFE, l’émission de CO2 par le trafic automobile a cru dans un rapport voisin de 4, en quelques décennies, à cause de l’évolution des conditions de circulation imposée par la Métropole.

Les raisons des excès d’émissions

Ainsi, les émissions sont accrues de 50% sur des axes fluides, synchronisés à 30 km/h. Des lignes de tram ont été installées sur les grands axes précédemment synchronisés à 50 km/h ou sur les axes les croisant. La synchronisation du trafic à 50 km/h y est devenue impossible ou a été abandonnée. Le nombre de voies et la largeur des voies ont été réduits pour laisser la place à d’autres modes (bus, vélos). Des trémies ont été supprimées. Des ralentisseurs ou des chicanes sont apparus, imposant un ralentissement à moins de 20 km/h, puis une accélération. La diminution de débit a créé des embouteillages, avec leur série de freinages-accélérations. Les voitures tournent longtemps à la recherche d’une place de stationnement. Etc.

Changer de projet mobilité pour réduire le CO2

Naturellement, pour viser la neutralité carbone, comme prévu par RTE, il faut passer à l’électrique à horizon 2050, mais aussi aménager intelligemment la période intermédiaire, avant de pouvoir produire l’excédent d’électricité nécessaire aux véhicules avec de l’électricité décarbonée.

Certes la ZFE a pour objet de forcer les habitants lyonnais et les navetteurs à aller dans cette voie. Malheureusement, cette transformation aura un coût insupportable pour les lyonnais, chiffré à 10 milliards dans l’article « Que penser de la ZFE Lyon ? » du

Voir aussi à ce sujet d’autres articles :
Lyon accroîtra sa pollution à 30 km/h (Comment respecter le climat et réduire la pollution à Lyon ?

Révolution stratégique, « Lyon zéro CO2 »

Ce projet devrait se mettre en place progressivement, car il suppose que, parallèlement, la production maîtrisable d’électricité nécessaire ait été réglée, ce qui est prévu par RTE à un horizon tardif, à partir de 2035.
L’orientation stratégique consiste à viser à la fois :
– le doublement du taux d’usage des transports collectifs,
– avec des aménagements et des choix de solutions n’empiétant pas sur autres voies,
– l’offre d’équipements permettant l’intermodalité avec une part de mobilité personnelle électrique.

Pour viser la neutralité carbone en 2050 en Métropole, voici cette proposition :
– réduire la circulation dans Lyon et sous Fourvière, et ses causes de ralentissement en bouclant la 2ème couronne le plus possible à l’air libre (pour en réduire le budget), de Pierre Bénite au Pérollier, via St Genis 2 et sans doute Francheville ;
– construire 200.000 places de parking (payants, à un coût raisonnable), le long du périphérique et de cette 2ème couronne ;
– densifier et doubler les transports collectifs, seulement au sein de cette couronne et du périphérique (selon les recommandations de la Cour des Comptes) ;
– desservir les radiales par métro ou par le Réseau Express Métropolitain ;
– bien entendu, équiper d’alimentation et de bornes électriques les parcs de voitures des navetteurs (250.000) et des lyonnais (500.000), ainsi qu’un surcroit de garages individuels et publics et de stationnements payants.
– un surcroît de production d’électricité équivalant presque à un EPR,
– le doublement du réseau de RTE et d’ENEDIS .

Ce projet est schématisée par la figure ci-dessous, volontairement très grossière, pour se consacrer aux principes, sans exposer ici les détails du projet : organiser une mobilité commode, rapide mais toute électrique, avec des coûts établis à la louche. Le débit doublé des transports collectifs (doublement des km de métro, de tram, du nombre de bus) permettrait d’acheminer en 2 heures l’entrée des navetteurs dans Lyon, et les déplacements des lyonnais, avec un taux d’usage des transports collectifs passant de 20% à 40%.

Le chiffrage de ces aménagements s’élève à environ 20 milliards d’euros, sans compter la production, le transport et la distribution d’électricité (10 milliards en charge d’EDF et RTE), soit au total près d’1 milliard par an. Cela peu paraître inatteignable, comparé au milliard ou 2 par mandature d’investissements du SYTRAL, mais c’est la moitié moins que la ZFE prévue, qui n’aura aucun effet à terme.

C’est aussi une preuve de plus que la transition énergétique imposera des dépenses considérables et exigera d’optimiser les dépenses et de faire des économies par ailleurs, en abandonnant tout aménagement et dépense non strictement indispensable.

Reste t-il d’autres solutions ? Sans doute pas sans émission de CO2.