Cette fin Novembre, un nouvel épisode sévère de pollution (après celui du mois de janvier) sévit à Lyon. Et pourtant, le trafic automobile est au plus bas. L’effet était aggravé par la présence d’un anticyclone centré sur la région et donc par une absence de vent. Lyon est dans le viseur de l’Union européenne pour ses dépassements de pollution.
Le diagramme ci-dessous représente l’évolution de la pollution aux NOx et aux microparticules PM 2,5 pendant l’épisode, selon la base de donnée publique d’Atmo-AuRA. Il montre que cet épisode est dû essentiellement à un excès de microparticules (PM10 et PM2,5, bien plus délétères). Le seuil que l’OMS recommande de ne pas franchir est de 20 μg/m3, alors que la station de fond Gerland a enregistré 120 μg/m3, le 22 novembre, la pollution grimpant en flèche de 20heures à minuit, alors qu’il n’y avait aucun trafic significatif.
Comme on le lit sur le diagramme extrait du bilan 2019 d’ATMO-AURA, les PM2,5 sont dues à 67% à cause du chauffage au bois.
Cela n’empêche pas la promotion de la prime air-bois pour remplacer les foyers ouverts par des foyers fermés (certes 20 fois moins polluants que les foyers ouverts), ni la Métropole de Lyon de renforcer son aide financière aux particuliers qui remplacent leur cheminée d’ancienne génération, par le doublement de sa Prime Air Bois. Alors pourquoi se priver d’un feu de bois ? Or la densité de PM2,5, en sortie d’un foyer fermé, flamme verte 7 étoiles (20 milligramme/m3) est 1000 fois plus importante que la densité de pollution admissible dans l’air. De plus, le bois utilisé, notamment celui que l’on peut acheter à Lyon, est généralement composé de 30 à 40% d’humidité, et ne brûle qu’à 700 °C avec une belle flamme jaune au lieu de 900 °C. En conséquence, 8% de foyers bois à Lyon (selon l’ALEC) suffisent pour déclencher des dépassements de seuil de pollution. Donc, en période de pollution aux microparticules et de vent faible, la solution pour réduire la pollution aux microparticules serait d’éviter tout chauffage au bois (comme en région Ile de France).
Or voici la décision prise :
« Le seuil d’information-recommandation étant franchi, après consultation des élus concernés, et pour répondre de manière spécifique à cet épisode et réduire les émissions de polluants, le Préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes, et le Préfet du Rhône, a décidé de prendre un arrêté instituant une liste de mesures d’urgences dont les principales sont les suivantes :
La circulation différenciée est instaurée. Les véhicules autorisés à circuler au sein du périmètre ci-après sont les véhicules affichant un certificat qualité de l’air (vignette Crit’Air) de classe « zéro émission moteur », de classe 1, de classe 2 ou de classe 3 ; le périmètre d’application de la mesure de restriction de la circulation est constitué par les voiries situées à l’intérieur de la ZFE, hors les itinéraires permettant d’accéder aux parcs relais et de les quitter.
Pour le résidentiel : La pratique du brûlage des déchets est interdite.
Les dispositions prises pour limiter la pollution apparaissent totalement inappropriées. C’est ce qu’on appelle « un emplâtre sur une jambe de bois ».
Les élus consultés ont attribué la cause de la pollution au « trafic automobile », par reflex conditionné, sans réfléchir, sans se poser de question et sans vérifier, même quand la circulation comme actuellement en temps de COVID est fort réduite, et les Préfets ont appliqué les consignes habituelles, au lieu de prendre à temps les dispositions appropriées concernant le brûlage de bois.
La réduction du trafic des véhicules les plus polluants n’a même pas suffi à éviter les pics moins importants des jours suivants de pollution au NOx, émis probablement davantage par l’industrie que par le trafic très limité, en période de confinement.
De plus, la figure suivante montre que le pic de pollution détecté a été bien plus élevé à la station de fond de Gerland, et celles du sud de Lyon et A7, que par les autres stations de mesures des environs de Lyon. Il importe d’en comprendre la raison. En effet, depuis 2020, à la limite entre le 8ème arrondissement et le sud de Gerland, la nouvelle centrale municipale de chauffage de Surville, de grande puissance, fonctionne au bois et éventuellement au gaz en cas d’épisode de pollution. Comme l’a fait remarquer le CIL-Gerland-Guillotière-Jean Macé en CICA en 2019, avant le démarrage, les filtres des cheminées de cette centrale sont bien moins efficaces que ceux ajoutés à l’incinérateur de Gerland. Certes, le bois peut être remplacé par du gaz. Mais, de plus, visiblement, comme lors de l’épisode du mois de Janvier, cette permutation (ou l’arrêt de la centrale) est intervenue tardivement, seulement lorsque l’alerte pollution a été émise (le 23). Cela expliquerait pourquoi la pollution aux PM2,5 était bien plus concentrée près de toutes les stations du Sud de Lyon (A7 Lyon Sud, Gerland, Sud Lyon) que près des autres stations de la Métropole de Lyon. D’ailleurs, la centrale de Surville a visiblement cessé d’émettre de la fumée après l’alerte préfectorale et les pics de pollution aux microparticules ont baissé progressivement pour atteindre une intensité réduite de moitié le vendredi, avant le rétablissement du vent du samedi.
Quelles sont les diverses leçons à tirer de cette analyse ?
⇒ Que les élus et les Préfectures analysent la cause des excès de pollution, afin de déclencher les mesures appropriées, qui doivent différer selon le type de pollution (NOx, PM ou O3) et sa cause ;
⇒ Limiter le chauffage au bois, dans la Métropole de Lyon, comme le fait l’Ile de France, dès qu’Atmo-AuRA signale un excès de PM (des limites préconisées par l’OMS) ;
⇒ Dans l’immédiat, revoir les directives préfectorales, pour que la centrale de Surville passe au gaz de ville (qu’elle respecte ou non la norme de 10mg/m3 en sortie de cheminée), dès que le taux de PM2,5 à la station de Gerland de l’A7 ou de Lyon Sud, dépasse les limites imposées par l’Union Européenne : 20 μg/m3 pour les PM2,5 et 40 μg/m3 pour les PM10 ;
⇒ En sortie de cheminée de la centrale de Surville, faire installer des filtres humides aussi performants que ceux de l’incinérateur de Gerland ;
⇒ Eviter les défauts de conception des installations, en consultant les associations comme les Comités d’Intérêt Local, l’UCIL, les Comités d’Initiative et de Consultation d’Arrondissement (à rétablir impérativement, conformément à la loi) ou l’Air des Lyonnaises et des Lyonnais, avant même la diffusion des cahiers des charge des projets, afin que la Métropole de Lyon puisse prendre en compte sérieusement les remarques éclairées et les suggestions des habitants, car on voit bien que ni les services techniques, ni les élus n’ont les mêmes connaissances que les habitants sur les sujets de proximité ;
⇒ Pour le chauffage urbain, encourager davantage les climatisations réversibles aussi économiques que le chauffage au bois (dont le CO2 émis ne sera pas remplacé avant 2100), alimentées par de l’électricité française, non émettrice de pollution et très peu de CO2, plutôt que la combustion du bois qu’il serait bien plus écologique de réserver à la construction d’immeubles écologiques, car «biosourcés».
Rappelons, en effet, que la production du ciment émet presque autant de CO2 que son poids, notamment lors du grillage du calcaire.