Les nouveaux envahisseurs roulants et silencieux

 

Tous les Lyonnais ont constaté l’envahissement des trottoirs par toutes sortes d’ « engins de déplacement personnels » (EDP), auparavant des bicyclettes devenant de plus en plus électriques, mais dont les plus nombreux sont maintenant les trottinettes électriques. Les piétons pestent contre ces engins, hélas trop silencieux, car ceux-ci doublent ceux-là à toute allure, sans prévenir, leur faisant craindre qu’un écart involontaire ne les conduisent droit à l’hôpital. Hors l’envahissement se développe avec ce que les anglophones appellent le free-floating, que l’on pourrait dénommer « location numérique sauvage ». Car le terme « free », exprime maintenant que la société qui met à votre disposition un engin de ce type vous laisse la possibilité de rouler où bon vous semble et le laisser traîner n’importe où dès qu’on vous ne vous en servez plus, et généralement dans un endroit des plus fréquentés par les autres usagers, au grand damne des personnes à mobilité réduite. Une recrudescence d’accidents est observée dans les services d’urgence. Il s’en suit la révolte des piétons.

Or ces engins sont méconnus du code de la route, tant que la loi d’organisation des mobilités ne sera pas parue.

Depuis longtemps nos élus condamnent la voiture, qui non seulement pollue (500 décès en métropole par an) mais émet ce gaz carbonique mortel pour l’humanité entière, mais à terme seulement. A défaut d’imaginer des solutions appropriées, le Plan de Déplacement Urbain a inventé une kyrielle de contraintes plus ou moins efficaces pour décourager les automobilistes, visant à ce qu’ils adoptent d’autres modes moins polluants comme les transports collectifs trop lents et souvent saturés et alors inconfortables, la marche à pied généralement bien trop longue ou les vélos rapides mais dangereux (5 fois plus que la moyenne au km parcouru) et inadaptés au mauvais temps. A peine officialisé et malgré les remarques formulées lors de l’enquête publique, ce PDU, élaboré par l’organisme spécialisé en transport collectif, révèle une absence de vision et donc de mesures appropriées concernant cette évolution astucieuse du transport individuel vers plus de rapidité et d’écologie.

La ville autrefois avait été conçue pour 2 modes de déplacement, la marche à pied et la voiture, calèche améliorée. Puis, elle a dû être aménagée, tant bien que mal, pour y faire passer les transport collectif terrestres (bus diesel, trolleybus, tram), qui avaient aussi l’avantage (aux yeux des décideurs) de bloquer également les voitures. Mais il restait exclu de leur faire transporter des bicyclettes.

Comme toujours, toute contrainte publique, si elle n’est pas accompagnée d’un offre attractive, génère un comportement collectif imprévu et déviant, ayant généralement des effets antinomiques avec à l’objectif recherché.
Voilà donc quelques voyageurs vraiment écologiques, mais aussi pressés et futés qui inventent d’utiliser un mode de déplacement individuel non prévu, plus intelligent, plus rapide et sans contrainte et qui fatalement fait des myriades d’émules avec la complicité d’une multitude de sociétés complices. A peine adopté, le plan (P.D.U.) se révèle obsolète.

Enfin, à la rentrée, la législation (loi Loi d’Orientation des Mobilités) va imposer aux E.D.P. les mêmes contraintes qu’aux vélos. Mais alors, cela va désormais rendre absolument nécessaire mais compliqué d’avoir 4 types de voies en ville !
Si on le demande, le logiciel de ces engins intelligents et géolocalisés pourrait imposer qu’ils ne soient motorisés que sur les voies cyclables et qu’ils ne soient abandonnés que dans une multitude d’espaces autorisés marqués de façon bien visible.
Faisons confiance à la fée numérique (qui sait tout et fait tout ce qu’on lui demande) pour régler ces impératifs incessamment.

Mais cela ne suffira pas. Qu’en sera-t-il de la réactivité municipale ?
Il va falloir aussi, enfin, et entre autres, que la ville :

  • choisisse et marque ces multitudes d’espaces de stationnement,
  • adapte et améliore les pistes (pas que des voies) cyclables pour constituer un véritable réseau continu et sécurisé entre une centaine de points stratégiques de la cité,
  • signale ces pistes par une couleur distinctive pour prévenir les piétons,
  • signalise leur continuité avec soin
  • à chaque carrefour modifie les trottoirs pour créer des « bateaux » plus larges,
  • peigne des passages pour « EDP », à côté des passages piétons,
  • communique pour apprendre à chacun le comportement vertueux de déplacement, etc.

Or dans les plans (le plan pluriannuel d’investissement), aucun budget n’était, hélas, prévu pour corriger les multiples défauts de discontinuités du réseau existant !

L’envahissement de ce nouveau mode de déplacement, écologique à souhait, déclenchera-t-il, enfin, l’affectation imprévue (quoique déjà réclamée) des deniers nécessaires et une réactivité suffisante de la part des élus et des services techniques de la ville ?